L’ingestion d’eau de votre cheval

L’ingestion d’eau, été comme hiver, suscite souvent des préoccupations de la part des propriétaires. En effet, nous sommes concernés par le fait de donner de l’eau froide ou le fait de laisser un cheval boire à sa soif après un effort, sous prétexte que cela pourrait provoquer une colique. Mais ce risque de colique existe t-il vraiment ? Dans cet article, nous commencerons par analyser les facteurs qui influencent l’ingestion d’eau, puis démystifierons certains mythes et croyances courants. Avant de plonger dans le sujet (sans jeu de mots), un petit point sur l’eau chez le cheval… Il est temps de découvrir quelques informations étonnantes !

Le cheval contient plus d’eau qu’il n’en boit !

Le corps d’un cheval de 500 kg renferme environ 300 litres d’eau.
Environ 200 litres se trouvent à l’intérieur des cellules, et les 100 litres restants circulent à l’extérieur des cellules.

Parmi ces 100 litres :

  • Environ 50 litres sont dans le système digestif,
  • 40 litres dans la circulation sanguine,
  • Et 10 litres entre les cellules et le système lymphatique.

Et ce n’est pas tout :

  • Les poumons sont constitués de plus de 90 % d’eau.
  • Le sang en contient environ 80 %,
  • Le cerveau autour de 70 %,
  • Et même les os sont faits à 40 % d’eau !

Alors, cool ces petites infos non ?


Comment le cheval gagne et perd de l’eau ?

Le cheval absorbe de l’eau en buvant, mais aussi via l’humidité contenue dans l’alimentation, comme l’herbe, le foin ou les mashs.

Il en perd chaque jour, naturellement :

  • dans les urines : 25 % de la perte en eau est éliminée par les urines.
  • dans les crottins. On sous-estime souvent la quantité d’eau évacuée dans les crottins : elle représente environ 45 % des pertes hydriques.
  • en respirant,
  • en transpirant,

La sueur, la respiration et la peau représentent ensemble 30 % des pertes en eau.


Pourquoi est-il important de se soucier de l’hydratation du cheval ?

L’hydratation, ce n’est pas seulement boire. Elle dépend aussi de ce que mange le cheval, de la fréquence des repas, et de la manière dont son système digestif fonctionne.

Un cheval bien hydraté digère mieux, récupère plus vite et reste en meilleure santé. Et c’est pour cela que nous allons voir tous ces facteurs ensemble. C’est parti !

Qu’est ce qui impact la quantité d’eau ingérée par le cheval ?

Pour être hydraté convenablement, un cheval boit en moyenne 20 à 40L par jour. Mais cela peut largement être augmenté avec le travail ou les fortes chaleurs. 
De nombreux facteurs ont un effet sur la quantité d’eau ingérée, voyons tout cela ensemble.

L’alimentation de votre cheval : tous les fourrages n’hydratent pas pareil !

La nourriture que vous donnez à vos chevaux aura également un impact sur la quantité d’eau ingérée.

Le foin

Une étude a en effet mis en avant qu’un cheval nourri uniquement au foin, consommant en moyenne 19% de matière sèche en plus par jour, buvait en moyenne 26% d’eau en plus par jour (Pagan et al, 1998) ! Et oui, ce n’est pas rien ! Cette augmentation est liée à plusieurs choses :
– Le fait que lorsque le cheval mange de la fibre, il produit plus de salive que lorsqu’il mange des granulés (et pour produire de la salive, il faut de l’eau)
– Pour digérer la fibre et la fermenter, le cheval a besoin de plus d’eau dans le cæcum.

Augmenter la quantité d’eau dans le foin

Votre ne cheval n’a pas accès à l’herbe ? Vous pouvez quand même l’aider à ingérer plus d’eau via son alimentation.

Faire tremper ou cuire le foin à la vapeur sont deux bonnes méthodes pour augmenter sa teneur en eau, améliorer sa qualité sanitaire et limiter les risques de déshydratation chez le cheval. La cuisson à la vapeur présente l’avantage d’être plus rapide tout en conservant les qualités nutritionnelles du foin.

La quantité d’eau absorbée par le foin dépend de sa teneur en eau d’origine et de son stade de maturité au moment du traitement. Une étude de Earing et al. (2013) a montré que la cuisson à la vapeur d’un mélange de foin de luzerne et de fléole des prés, dont la teneur en eau initiale était de 8 %, permettait d’atteindre 23 % d’eau après traitement, soit presque trois fois plus.

Lors d’une période d’alimentation de deux heures, les chevaux ont consommé quatre fois plus de ce foin cuit à la vapeur que du même foin non traité. Dans une autre expérience avec des foins similaires, les mêmes chercheurs ont constaté qu’un trempage de 15 à 60 minutes permettait d’augmenter la teneur en eau de 9 % à environ 17 à 21 %.

L’herbe

Un cheval ayant accès à de l’herbe bien verte consommera moins d’eau car l’herbe a un taux d’humidité plus élevé que le foin. Un cheval qui vit au pré 24h/24 peut consommer jusqu’à 50 litres d’eau rien que via son ingestion d’herbe. ATTENTION, je ne parle pas ici de l’herbe grillée de l’été, mais bien d’une herbe bien verte. Les chevaux au pré boivent donc souvent très peu dans leur seau ou leur abreuvoir. Toutefois, il est bien évidemment primordial de leur laisser de l’eau fraîche à disposition toute le temps !

L’enrubanné

Prenons maintenant le même cheval, nourri à volonté avec du foin enrubanné :
Il obtiendra environ 20 litres d’eau par jour via ce fourrage. L’ensilage contient moins d’eau que l’herbe, donc on peut s’attendre à ce qu’il boive davantage en complément.

Mouiller la ration pour une ingestion d’eau augmentée ?

Une étude récente (Ferreira et al, 2025) s’est intéressée à une pratique courante : ajouter de l’eau à la ration afin de réduire les risques de bouchons oesophagiens et d’encourager l’hydratation. Cette méthode est souvent utilisée avec les granulés, la pulpe de betterave ou les cubes de foin. Il est aussi populaire de donner du mash après un effort intense ou une compétition, pour aider le cheval à se réhydrater. Mais cela encourage t-il vraiment le cheval à boire plus ?

Dans cette étude, six chevaux ont reçu trois types d’aliments : un aliment granulé, des cubes de foin de fléole et luzerne, et de la pulpe de betterave déshydratée. Chaque régime était testé pendant neuf jours : les trois premiers jours, les aliments étaient distribués secs ; les six suivants, ils étaient trempés dans deux fois leur poids en eau. Les chercheurs ont ensuite mesuré la consommation d’aliments, d’eau et l’humidité des crottins.

Les résultats ont montré que les chevaux buvaient moins d’eau lorsque leur nourriture était trempée (25,4 kg/jour contre 32,2 kg/jour à sec). Cependant, la quantité totale d’eau absorbée restait stable, puisque l’eau ajoutée à la ration compensait cette baisse.

En résumé, les chercheurs ont conclu que les chevaux régulent très rapidement leur consommation d’eau. Tremper les aliments peut donc être utile pour des chevaux qui boivent peu ou par temps froid, mais cela ne permet pas d’augmenter durablement leur hydratation.

Bassines ou abreuvoirs ?

La manière dont vous abreuvez votre cheval aura également un impact sur sa consommation, et ça, je vous en parle ici.

La température de l’eau

La température qu’il fait aura évidemment un impact sur la consommation d’eau. Une étude menée sur des poulains a trouvé que lors de températures variant de -8 degrés à -17 degrés, leur consommation d’eau pouvait baisser de 14% comparée à celle de poulains gardés à une température ambiante de 8 degrés (ce qui reste une température assez froide) (Cymbaluk, 1990). Une autre étude menée sur des chevaux au travail a également observé une ingestion d’eau supplémentaire pour des chevaux étant dans un endroit chaud et humide comparé à un endroit chaud et sec (Geor, 1996)

La masse corporelle de votre cheval

La masse corporelle de votre cheval. Et oui, un cheval obèse aura besoin de moins d’eau qu’un cheval en bonne forme physique. En effet, les tissus gras ne contiennent presque pas d’eau comparés aux muscles qui, eux, doivent être bien hydratés pour fonctionner correctement (Kohn and DiBartola, 1992)
Oui, vous remarquerez que les études sont assez vieilles, mais il fallait bien commencer quelque part pour comprendre les besoins du cheval. Une fois que ceux-ci ont été compris, il n’y avait plus vraiment besoin de refaire les mêmes études.

Un dernier paramètre à prendre en compte sont les maladies et pathologie. En effet, un des nombreux symptômes de Cushing est l’augmentation de l’ingestion d’eau par le cheval. Je vous en dis plus sur le sujet dans cet article.


Maintenant, venons-en à notre question du jour : l’ingestion d’eau « froide » ou d’eau juste après un effort peut-elle engendrer une colique ?

L’ingestion d’eau froide par le cheval

Avant de vous détailler les études sur le sujet, j’aimerais que l’on réponde ensemble à cette question :

Qu’est-ce que l’eau froide ?

Étrange question, me direz-vous. Pourtant…
Il y a quelques années de cela, j’avais formulé un questionnaire afin de connaître votre avis sur le sujet. Vous étiez 265 à y avoir répondu, voici vos réponses en image.

Eau froide

Donc déjà là, on peut se dire que quand on parle d’eau froide, nous n’avons pas tous la même perception et c’est important de s’en rappeler. Donc quand on demande : « l’eau froide peut-elle engendrer des coliques ? » la question manque un peu de précision. Petit rappel, le terme « colique » chez le cheval veut simplement dire mal de ventre. Une colique peut avoir de nombreuses causes et toucher plusieurs parties du système digestif. Elles peuvent être par exemple causées par l’ingestion de sable, des douleurs ovariennes ou encore des ulcères gastriques. Donc maintenant, venons-en à nos études sur le sujet. 

Quelle est la température de l’eau idéale pour le cheval ?

Voici la première étude sur le sujet qui a été réalisée sur 6 chevaux d’endurance âgés de 2 et 3 ans. Les chercheurs les ont déshydratés artificiellement grâce à du furosémide (un diurétique puissant) de sorte d’avoir un taux de déshydratation de 4-5%. Les chevaux ont ensuite été mis sur un tapis roulant pour un entraînement de 30km en variant le pas et le trot. Les chevaux avaient tous suivi un entraînement de deux mois sur tapis roulant avant l’étude afin de s’assurer de leur forme physique. La température dans la pièce du tapis était en moyenne de 25 °C avec un taux d’humidité assez élevé (59,9% en moyenne).

5 minutes après leur entraînement terminé, les chevaux pouvaient boire autant qu’ils voulaient suivant le jour de leur entrainement dans une bassine contenant 0,9% de sel dans une eau à 10°C, 20° ou 30°C. Ils étaient ensuite douchés puis l’eau à la même température était proposée à nouveau.

Voici les trouvailles des chercheurs

Juste après l’entraînement, en moyenne les chevaux ont bu environ :

  • 9,8L d’eau à 10°
  • 12,3L d’eau à 20°
  • 9,7L d’eau à 30°

Il semblerait donc que juste après un effort, les chevaux préfèrent boire de l’eau à 20° mais qu’il n’y ait pas de réelle différence entre une eau à 10° ou à 30°C.

20 à 60 mins après la fin de l’entraînement, en moyenne les chevaux ont bu environ :

  • 4,9L d’eau à 10°
  • 7,7L d’eau à 20°
  • 6,6L d’eau à 30°

Au total les chevaux ont donc bu en moyenne :

  • 14,7L d’eau à 10°
  • 19,9L d’eau à 20°
  • 16,3L d’eau à 30°

Cette étude a mis en avant trois choses :

1.     Les chevaux préfèrent boire une eau moyennant les 20°C ou au-dessus

2.     Peu importe la température, ils se sont quand même tous assez hydratés pour combler leur déshydratation et récupérer convenablement

3.     Les chercheurs n’ont observé aucun signe de colique ou d’inconfort, même après l’ingestion d’eau à 10°C et cela juste après un effort.

Il semblerait donc que de l’eau à 10°c ne crée aucun inconfort digestif et que laisser boire le cheval à sa soif juste après un effort ne soit pas non plus responsable de colique. Les chercheurs ont également mis en avant l’hypothèse du phénomène des récepteurs oropharyngés qui pourrait expliquer pourquoi les chevaux ingèrent moins d’eau lorsque celle-ci est autour de 10°C. Je vous parle de ce phénomène dans cet article 

Alors maintenant vous allez me dire : oui mais quand il fait vraiment très froid, l’eau est en dessous de 10°C, est-ce que cela peut être néfaste si le cheval l’ingère ?

ingestion d'eau froide - Poneys qui s'abreuvent grâce à la neige

S’abreuver grâce à la neige

Je vous ai trouvé une seule étude sur le sujet. Elle a été réalisée sur 40 chevaux islandais qui, pendant 12 jours, n’ont pas pu être abreuvés. Ils étaient dans un pré à 600 m d’altitude, en plein hiver. Ils avaient accès à de l’enrubanné ayant un taux d’humidité de 30% et ils avaient accès à de la neige (une couche de 20 cm environ couvrait leur pré). Oui, oui, ils utilisaient la neige pour s’abreuver. Certes un peu choquant pour nous, mais dans les pays nordiques, il faut bien faire avec les moyens du bord. Une prise de sang a été réalisée avant la période « eau » puis une autre à la fin de cette période. 

Les trouvailles

Aucun des chevaux testés n’a été déshydraté au cours des 12 jours sans eau. Les chevaux « s’abreuvaient » grâce à la neige, donc oui ils ingéraient de l’eau à moins de 1°C environ.

ATTENTION, ne laissez pas vos chevaux sans eau ! Je vous partage cette étude pour vous expliquer que l’eau froide n’a pas d’impact néfaste sur le système digestif du cheval, mais ces chevaux subissent des hivers rudes tous les ans et ils ne sont pas travaillés pendant cette période. N’oublions pas non plus que le fourrage qui leur est donné contient 30% d’humidité en moyenne. 

Conclusion

Mais voilà, tout cela pour vous dire qu’eau froide ou grande quantité d’eau juste après le travail, ça n’est pas cause de colique chez le cheval. Par contre votre cheval peut déclencher une colique s’il a été fortement déshydraté lors du travail et c’est souvent cette cause qui est confondue avec le fait d’avoir donné de l’eau froide ou de l’eau en grande quantité juste après le travail.

Encore un mystère de résolu !

Études :

Mejdell et al, 2005, Is Snow a sufficient Source of Water for Horses kept Outdoors in Winter? A Case Report

Earing, J.E., M.R. Hathaway, C.C. Sheaffer, B.P. Hetchler, L.D. Jacobson, J.C. Paulson, and K.L. Martinson. 2013. The effect of hay steaming on forage nutritive values and dry matter intake by horses. Journal of Animal Science. 91: 5813-5820.

Butudom P, Barnes DJ, Davis MW, Nielsen BD, Eberhart SW, Schott HC 2nd. 2004. Rehydration fluid temperature affects voluntary drinking in horses dehydrated by furosemide administration and endurance exercise. Vet J. 2004 Jan;167(1):72-80.

Kristula, M. and McDonnell, S. (1004) Drinking water temperature affects consumption of water during cold weather in ponies. Appl Anim Behav Sci 41, 155-160.

Martinson, K., Jung, H., Hathaway, M. and Sheaffer, C (2011) The Effect of Soaking on Carbohydrate Removal and Dry Matter Loss in Orchardgrass and Alfalfa Hays, Journal of Equine Veterinary Science, Volume 32 , Issue 6, 332 – 338

McDonnell, S. and Kristula, M. (1996) No effect of drinking water temperature (ambient vs. chilled) on consumption of water during hot summer weather in ponies. Appl Anim Behav Sci 49, 159-163.

Pagan et al, 1998 https://www.researchgate.net/profile/Joe-Pagan/publication/237587324_Water_most_overlooked_nutrient_for_horses/links/541dada30cf203f155c03f4a/Water-most-overlooked-nutrient-for-horses.pdf

Ferreira, N., Binder, D., Hernandez Garbati, I., Lance, J. M., & Warren, L. K. (2025). Effect of soaking feed on water intake and hydration in horses. Journal of Equine Veterinary Science.