Déjà là, vous vous dites :
“La distorsion temporelle ? C’est quoi ?”
La distorsion du temps (ou distorsion temporelle), c’est quand vous percevez le temps de façon différente. Par exemple, quand on tombe de cheval, on voit souvent la chute au ralenti, on a l’impression que la chute dure 5-10 secondes, alors qu’en réalité, en ½ seconde nous sommes par terre. L’effet inverse peut également se produire quand, par exemple, vous êtes avec des amis que vous n’avez pas vu depuis longtemps, vous regardez votre montre et vous remarquez que ça fait déjà 2h que vous êtes là alors que vous avez l’impression que seulement 30 minutes se sont écoulées. Votre perception du temps est altérée.
Par quoi est affectée la distorsion temporelle ?
Par nos émotions, notre humeur. Si vous êtes stressé, heureux, pressé, vous n’aurez pas la même perception du temps.
Des chercheurs ont également démontré que le passage du temps pouvait paraître plus lent lors de la préparation d’un geste. Donc par exemple quand vous préparez votre saut, ou vos déplacements latéraux, le temps peut vous paraître plus long.
Où est-ce que je veux en venir ?
À mon projet de recherche, et je vous avouerais que sur les deux déjà publiés, je suis extrêmement fière de ce troisième article et très satisfaite des résultats.
Une des parties de ce projet consistait à observer les cavaliers s’échauffer (ils ont enregistré leur échauffement via vidéo). Ensuite les cavaliers devaient remplir un formulaire en notant le temps passé à s’échauffer ainsi que le temps passé dans chaque allure etc. Les 6 cavaliers ayant participé à cette phase de la recherche ont enregistré entre 3 et 10 échauffements chacun pour un total de 35 échauffements analysés.
Ce qui a été trouvé ?
Les cavaliers ont de grandes difficultés à se rappeler du temps passé dans chaque allure. Même quand ils jugent avoir une routine d’échauffement fixe, la réalité n’est pas celle qu’on croit. Il y avait pour 3 cavaliers une différence d’entre 10 et 13 minutes entre le temps qu’ils pensaient avoir marché et le temps réellement marché. Cette différence pouvait aller dans les deux sens : les cavaliers pensaient avoir marché 15 minutes alors qu’ils n’ont marché que 5 minutes, ils pensaient avoir marché 10 minutes alors qu’ils en ont marché 20.
Ces différences étaient également observées au trot et au galop. Par exemple, une cavalière a, en réalité, galopé 6 minutes de plus que ce qu’elle pensait. 6 minutes, c’est énorme surtout pour un échauffement qui, au total, a duré 20 minutes.
Ce qui a été observé d’autre ?
Très souvent, la plus grosse distorsion du temps était observée lors d’une même vidéo dans plusieurs allures. Cela fait donc penser que lors de cette session, les cavaliers étaient d’humeur différente. Étaient-ils stressés ce jour-là ou au contraire heureux ? Leur cheval était-il stressé ou « chaud » ? Les cavaliers avaient-ils la tête ailleurs ?
J’espère que l’on pourra répondre à ces questions lors d’autres études.
Ce qu’il faut en tirer ?
Il est important d’avoir une montre lorsque l’on monte à cheval et de la consulter régulièrement. Bien qu’un échauffement puisse varier d’un jour à l’autre, il est important de savoir exactement le temps passé dans chaque allure pour deux raisons principales :
1. Si vous pensez marcher 15 minutes mais qu’en réalité vous ne marchez que dix minutes, vous risquez d’augmenter le risque de blessure de votre cheval. L’étude a été réalisée lors de l’échauffement mais on peut imaginer que les résultats de distorsion temporelle seraient les mêmes pour la phase de marche après votre séance en fonction de l’état d’esprit dans lequel vous êtes (satisfait de votre séance ou non, avec des amis à papoter ou seul).
2. Si vous galopez 10 minutes alors que vous pensez galoper 4 minutes, vous augmentez le risque de blessure mais surtout vous risquez de diminuer vos performances sportives. En effet, le galop demande au cheval de bouger et consommer énormément de glycogènes. Si vous videz tous les stocks de glycogène avant même d’avoir commencé votre séance de travail, d’avoir effectué votre reprise de dressage ou d’avoir sauté votre parcours d’obstacles, vous augmentez le risque de fatigue chez votre cheval ainsi que le risque de courbature.
« Mais moi je sais exactement combien de temps je m’échauffe »
C’est ce que pensaient aussi les cavaliers de cette étude, je vous rappelle également qu’en plus ils savaient qu’ils auraient le formulaire à remplir. Ils ont donc peut-être prêté d’autant plus de temps « au temps » qu’habituellement.
Dans cette même étude, nous avons également comparé la durée d’échauffement en fonction de la température, pour avoir les résultats c’est par ici :