Dois-je couvrir mon cheval ou pas ? Et si on le laissait décider ?

Un hiver sans article sur les couvertures n’est pas une habitude. Alors aujourd’hui, je vais vous parler de recherches qui vont probablement changer votre gestion des couvertures.

Tout d’abord que faut-il savoir ?

La zone thermale neutre du cheval se situe entre 5 et 20°C environ. Je vous le répète très régulièrement, mais le cheval est extraordinaire dans son adaptation à la chaleur ou au froid. Les poils sont une couche protectrice hors norme. L’hiver, lorsqu’il neige il n’est pas rare de voir de la neige sur le dos de votre cheval, signifiant que la température de la surface des poils est autour de 0°C mais pour autant, le cheval lui, n’a pas froid et a une température normale. C’est pour cela que toucher votre cheval est un très mauvais indicateur pour savoir s’il a chaud ou froid et cela je vous l’explique dans cet article.

On pourrait penser que plus il a de poils, plus il a chaud ou moins il a un poil épais et plus il est frileux, mais ce n’est pas vraiment le cas. Je vous explique cela dans la première étude du jour avant de passer à la suite : comment savoir si je dois couvrir mon cheval ou pas ?

Qu’est ce qui joue sur la chaleur corporelle ?

Pour répondre à cette question, en 2020, Meisfjord Jørgensen et ses collègues ont pris 21 chevaux de sport et de « races rustiques » afin d’observer de nombreux paramètres sur leur gestion de température en période de froid (en Novembre et Février).

Voici ce qu’ils ont trouvé :

1. Plus le cheval a une masse importante et moins il va perdre de chaleur car il aura plus de masse pour en produire et la garder. Dis comme ça, ce n’est pas très clair mais imaginez deux chevaux qui ont exactement la même dimension de peau qui englobe tout le corps. Seulement, un d’eux est très grand et maigre, et l’autre est plus petit et gros. Celui plus petit aura du coup plus de muscles/ tissus graisseux pour la même dimension de peau. Voilà pourquoi on considère les chevaux de trait ou « gros » poneys comme des races rustiques résistantes au froid. Et comme la nature est bien faite, c’est aussi pour cela que les fjords ont une masse corporelle importante (ils ont évolué dans un pays froid : la Norvège) alors que les arabes eux, ont une masse corporelle basse, ayant évolué dans le désert où ils ont besoin de pouvoir perdre de la chaleur rapidement pour ne pas surchauffer (hyperthermie).

2. Si votre cheval est ferré ou non : vous ne vous y attendiez pas à celle-là, n’est-ce pas ? Les fers sont de bons conducteurs thermiques. Donc si le cheval est sur un sol chaud, on risque d’avoir un sabot plus chaud, s’il est sur un sol froid, on aura un sabot plus froid (non, ce n’est pas une blague, c’est ressorti dans l’étude). Dans l’étude, ils ont trouvé une différence significative pour les sabots postérieurs qui étaient plus froids en superficie chez les chevaux ferrés. La même tendance a été trouvée pour les sabots antérieurs mais la différence n’était pas significative.

3. Si votre cheval est tondu ou non. Lorsqu’une partie du cheval est tondue on peut avoir une différence superficielle d’en moyenne 8°C entre la partie tondue et la partie non tondue, peu importe la race. La partie tondue est 8°C plus chaud que la partie non tondue (et oui, moins de poils = moins d’isolations = plus de perte en énergie = plus de chaleur)

Mythe buster :

Pourquoi toucher votre cheval n’est pas un bon indicateur pour savoir s’il a chaud ou froid ?

Si en hiver votre cheval semble chaud au toucher, il peut en effet avoir trop chaud et être en train d’évacuer le surplus de chaleur. MAIS, il peut aussi avoir une perte de chaleur plus importante que ce qu’il est capable de produire. Dans ce cas, son corps en interne se refroidit petit à petit alors qu’en externe vous avez l’impression que tout va bien. Voilà encore une raison pour ne pas décider de couvrir ou non en fonction de la chaleur superficielle que vous ressentez.

Le saviez-vous ?

Chez les poneys islandais, il a été noté que la taille de leurs poils variait de 5 mm en été à 4,6 cm de long en hiver ! Imaginez l’énergie et les nutriments qu’il faut pour créer tout ce poil. D’ailleurs, dans l’étude de Meisfjord Jørgensen et al., il a été trouvé que plus le cheval avait un Body Condition Scoring (note d’état corporelle) faible et plus ses poils étaient courts, peu importe la race. Donc un cheval plus gros (là on parle de gras, pas de masse générale) aura des poils plus longs et pourra mieux se protéger du froid car il a l’énergie nécessaire pour les produire. Oui oui, encore une fois, je vous dis que la nutrition c’est HYPER IMPORTANT ! 😉

Voilà, maintenant que nous savons tout ça, passons aux deux études qui vont vous intéresser : comment savoir si votre cheval veut ou non sa couverture, ou quelle couverture il veut ?

Eh bien, il suffit de lui demander !

Et oui, je suis vraiment sérieuse !

Laisser son cheval choisir sa couverture

En 2016, Medjell et ses collègues ont cherché à savoir si les chevaux pouvaient apprendre à exprimer leur envie quand il s’agit de les couvrir. Pour cela, 23 chevaux ont suivi « des cours » afin d’apprendre à reconnaître et utiliser 3 symboles qui signifiaient :

  1. Pas de changement (s’ils étaient couverts, ils gardaient la même couverture, s’ils n’étaient pas couverts, ils restaient sans rien),
  2. Une couverture,
  3. Pas de couverture.

Si un cheval mettait un petit peu plus longtemps à apprendre, le planning était modifié. Dans cette étude, 10 chevaux faisaient partie des « chevaux à sang froid ». Leur temps d’apprentissage était un peu plus long que les chevaux de sport car 2 d’entre eux ont cherché à ruser pour avoir plus de carottes et il a donc fallu les recentrer et un d’entre eux (3 ans) appréciait apparemment qu’on lui enlève et remette la couverture et donc s’amusait avec les symboles.

Tous les chevaux ont appris et compris la signification des symboles en 14 jours. Du renforcement positif à la friandise a été utilisé tout au long de l’apprentissage.

Pour leur apprendre les symboles, voici les étapes qui ont été réalisées :

Jours 1 à 4 : Découverte du tableau avec les symboles, dès que le cheval touche le tableau, une friandise leur était donnée. La place du tableau changeait en fonction des jours et l’ordre des symboles sur le tableau changeait également.

Jour 5 à 8 : Apprentissage des symboles « couverture » et « pas de couverture ». Lorsque le cheval touchait un symbole, une action se passait. Lorsqu’il touchait le symbole « couverture », une couverture lui était mise et vice versa.

Jour 9-10 : Introduction du symbole « pas de changement ». Et renforcement des autres symboles.

Ceci était le plan d’apprentissage de base, mais il était bien sûr adapté à chaque cheval. Si un cheval avait besoin de plus de temps lors d’une phase, celle-ci lui était bien sûr accordée. Ci-dessous, vous pouvez observer les symboles utilisés pour l’étude. Le trait noir mesurait environ 5 cm de large et était entouré d’un carré mesurant 35*35 cm

Une fois l’apprentissage terminé, la phase de tests a pu commencer. Malheureusement, un des chevaux n’a pas pu participer aux jours de tests, ceux-ci ont donc été réalisés sur 22 chevaux.

Les 22 chevaux ont été testés un jour où il faisait beau et la température était de 20 à 23°C.

  • Les 10 chevaux qui avaient une couverture ont demandé qu’elle soit enlevée et les 12 chevaux qui n’avaient pas de couverture ont demandé à rester comme ils étaient.

Ces mêmes 22 chevaux ont été testés sur l’un des deux jours consécutifs de pluie avec une température de 5 et 9°C respectivement.

  • Les 10 chevaux ayant une couverture ont signalé qu’ils voulaient rester comme cela
  • 10 chevaux n’ayant pas de couverture ont demandé une couverture ; 2 chevaux n’ayant pas de couverture ont demandé à rester sans (ceux-là étaient testés le jour où il faisait 9°C). En revanche, lors d’autres tests, avec une température de 1°C et 12°C, ces deux chevaux ont signalé qu’ils souhaitaient être couverts.

Le fait que les « avis » des chevaux sur les couvertures aient changé en fonction du temps montre que leur apprentissage était acquis et qu’il est en effet bien possible de leur apprendre à communiquer leur envie ou non d’être couverts.

Cette même chercheuse (Mejell) a publié une autre recherche en 2019 avec des températures allant de -16°C à + 23°C sur des chevaux dormant en box la nuit et allant au paddock la journée (les mesures ont été prises lorsqu’ils étaient au paddock).

Voici ses trouvailles :

  • Lorsque seule la température est prise en compte et non les conditions climatiques (pluie, vent, soleil) les chevaux :
    • Préfèrent avoir une couverture lorsque la température est en dessous de -10°C (avec 80% pour les chevaux étant habituellement couverts et 90% pour les chevaux n’ayant normalement pas de couverture)
    • Plus la température augmente et moins les chevaux souhaitent être couverts avec 100% des chevaux ne souhaitant plus de couverture à partir de 20°C.

Dans le tableau vous trouverez les chevaux ayant demandé à rester couverts ou à être couverts en fonction du temps. Tous les chevaux n’étaient pas testés tous les jours. Lorsque la température est en couleur, les tests ont été réalisés sur des chevaux qui normalement ne sont pas couverts à la demande de leur propriétaire.

Je vous ai mis ce tableau car je trouve intéressant le fait que les chevaux à sang froid (ce qu’on appelle souvent les races rustiques) demandent à être couverts tout autant que les chevaux de sport. Je pense que cela peut nous faire réfléchir au fait qu’on les considère toujours comme des chevaux robustes et résistants au froid.

À partir de 8 m/s de vent, dans cette étude, les chevaux préfèrent être couverts. Gardons en tête que les températures étaient alors de moins de 6°C.

Les chevaux n’ayant pas l’habitude d’être couverts semblent plus résistants au froid que ceux ayant l’habitude d’être couverts. À partir de 10°C, une majorité des chevaux préfèrent ne pas être couverts.

Un autre facteur important à prendre en compte est l’âge du cheval. En effet, à partir de 15 ans, le cheval produit moins de vitamine C et son corps commence à rencontrer des troubles de thermorégulation. Pour clôturer cet article, je vous partage donc une dernière étude réalisée sur 24 chevaux anglo-arabes âgés entre 20 et 24 ans. Les chevaux ont été jugés comme étant sains pour l’étude. Les chevaux étaient en box de 3,5*3,5 m en brique et sortis au paddock tous les jours de 9h à 14h. L’étude prit place pendant 30 jours durant lesquels la température dans l’écurie a varié de 3°C à -4°C et la température extérieure a varié de -4°C à -7°C.

Les chevaux ont été divisés au hasard en 4 groupes de 6 chevaux :

1 groupe « contrôle » sans couverture

1 groupe ayant une couverture légère

1 groupe ayant une couverture de 150 g

1 groupe ayant une couverture de 300 g

Ce qu’ils ont trouvé ?

· Les chevaux ayants une couverture de 150 ou 300 g ont une température superficielle de la peau et température rectale supérieures aux autres chevaux. Pour des chevaux séniors qui peuvent avoir du mal à se thermoréguler, cela est bien tant que leur température reste tout de même dans les normes (entre 37,5 et 38,5°C).

· Lorsque n’importe quel grammage de couverture est enlevé, la température superficielle de la peau diminue mais après 60 minutes sans couverture, elle reste tout de même significativement plus élevée que les chevaux qui ne sont pas couverts. Donc pas de stress, tant qu’ils ne sont pas en hypothermie avant de leur enlever leur couverture, vous pouvez leur enlever pour les brosser ou les travailler, ils ne prendront pas froid.

· Quand une couverture de 300 g était utilisée, qu’on l’enlevait et que le cheval était marché puis trotté, les foulées de trot étaient légèrement plus longues qu’avec un grammage plus faible ou sans couverture. Comme la température rectale et superficielle de la peau sont augmentées avec un grammage plus élevé, on peut penser que cette amélioration de la foulée est également liée au fait que les muscles sont plus chauds.

ATTENTION tout de même à bien choisir la couverture de votre cheval et je vous en dis plus sur les formes de couvertures dans cet article.

Conclusion :

Alors couverture ou pas de couverture ?

J’espère que cet article vous aura appris des choses et que peut-être vous prendrez le temps d’éduquer votre cheval afin qu’il puisse choisir s’il veut être couvert ou non.

Il semblerait tout de même qu’en cas de température basse, les chevaux séniors soient mieux avec une couverture. Pour les autres, c’est au cas par cas en fonction des facteurs cités tout au long de cet article.

Et la dernière info de la fin :

Le saviez-vous ?

D’après une étude (Joergensen et al., 2019), il semblerait que lors de température hivernale, que les chevaux soient couverts ou non ne changerait pas le temps qu’ils passent dans leur abri.

Études :

Grete Helen Meisfjord Jørgensen a,*, Cecilie Marie Mejdell b, Knut Egil Bøe (2020) Effects of hair coat characteristics on radiant surface temperature in horses

Grete Helen Meisfjord J.rgensena,, Cecilie Marie Mejdell, Knut Egil B. (2019) The effect of blankets on horse behaviour and preference for shelter in Nordic winter conditions

Cecilie M. Mejdella,∗, Turid Buvikb, Grete H.M. Jørgensenc, Knut E. Bøe (2016) Horses can learn to use symbols to communicate their preferences

Iwona Janczarek a,*, Marcjanna Wi sniewska b, El_zbieta Wnuk-Pawlak a, Izabela Wilk(2020) Effects of horse blankets on the physiological and motion parameters of geriatric horses

Cecilie M. Mejdella, Grete H.M. J.rgensenb, Turid Buvikc, Torfinn Torpb, Knut E. B.e (2019) The effect of weather conditions on the preference in horses for wearing blankets