L’équitation repose sur un dialogue subtil entre le cavalier et sa monture, où chaque mouvement, chaque pression, chaque ajustement postural peut influencer la performance, le confort et le bien-être du cheval. Au cœur de cette relation, la posture du cavalier joue un rôle fondamental. Bien plus qu’une simple position sur la selle, elle représente un équilibre dynamique entre stabilité, souplesse et coordination, nécessaire pour accompagner et guider le cheval sans le perturber.

Dans cet article, nous explorerons les mécanismes qui régissent cette posture, en commençant par une définition précise de la position idéale du cavalier, et en analysant les forces physiques et biomécaniques en jeu dans le maintien de son équilibre. Nous verrons notamment comment la gravité, la réaction du sol, les forces musculaires et la mobilité du bassin du cavalier impacte la relation avec le cheval. Au fil de cet article, vous découvrirez comment votre posture peut impacter la locomotion de votre cheval, mais aussi, comment certains détails, tels que des étriers asymétriques peuvent impacter votre posture. Allez, c’est parti !
L’article traitant de nombreux sujets, je vous encourage à le parcourir dans son ensemble. Toutefois, si un sujet en particulier vous intéresse, vous pouvez cliquer sur le titre ci-dessous pour accéder directement à la partie concernée.
- Qu’est ce qu’une bonne posture en équitation
- L’équilibre postural du cavalier
- L’équilibre du cavalier : un enjeu pour le cheval
- L’effet sur la locomotion du cheval
Qu’est ce qu’une bonne posture en équitation ?
Une posture se définit comme « la position relative des pièces du squelette qui se disposent suivant une attitude d’ensemble » (Bouisset & Maton, 1999). En équitation, son objectif est de placer le cavalier de telle sorte qu’il soit lié aux mouvements de sa monture, afin de lui faire exécuter les mouvements voulus avec un minimum d’efforts et un maximum d’efficacité.
La position idéale du cavalier se décrit ainsi :
- Tête droite, regard porté au loin.
- Épaules effacées et tombantes.
- Bras demi-ployés, coudes près du corps, alignés avec les poignets et les mains.
- Haut du corps droit.
- Poids du corps réparti également sur les deux fesses, rein souple.
- Cuisses allongées sous l’effet de leur propre poids et de celui des jambes, pli du genou liant, jambes libres et tombant naturellement, mollet au contact sans serrer.
Chaque partie du corps du cavalier joue un rôle essentiel non seulement dans le maintien de l’équilibre, mais aussi dans la communication avec le cheval. Cette communication repose sur l’assiette, définie comme « la qualité qui permet de rester maître de son équilibre en toute circonstance, quelles que soient les réactions du cheval » (C.Humbert, 2000). L’assiette assure la liaison du couple cavalier-cheval par le synchronisme du bassin avec les mouvements du cheval. Seul le bassin du cavalier doit rester mobile, tandis que les autres parties du corps recherchent la stabilité nécessaire à une communication précise et efficace.
Toutefois, cette position idéale peut grandement être impactée par nos préférences motrices. Nous abordons ce sujet dans le replay du webinaire à retrouver ici.
L’équilibre postural du cavalier et les forces en jeu
Pour comprendre le mécanisme de l’équilibre postural, il est nécessaire d’examiner les forces physiques impliquées dans la synchronisation de la posture du cavalier avec le mouvement du cheval.
Les forces fondamentales
De nombreux facteurs jouent un rôle sur la posture et le maintien de celui-ci.
Force gravitationnelle
Dirigée vers le bas, elle attire le corps au sol et s’applique au centre de gravité total (CGt). Chez le cavalier, il est situé au niveau du sternum. Plus le CGt est bas, plus la stabilité est grande. La descente de jambe permet de l’abaisser, favorisant ainsi un meilleur équilibre. Un angle tronc-cuisse supérieur à 135° en dressage améliore cette stabilité (Teyssandier et al., 1991).
Réaction du sol
Force opposée au poids du cavalier, appliquée au point de sustentation (chez le cavalier, ce serait la surface d’appui entre les ischions, le pubis et les cuisses). Si la force gravitationnelle et la réaction du sol sont alignées verticalement, l’équilibre est maintenu sans effort musculaire (équilibre passif).
Forces musculaires et ligamentaires (forces internes)
Activées lors d’un déséquilibre, elles permettent de ramener la ligne de gravité vers le point de sustentation. Plus la déviation de cette ligne est importante, plus l’effort musculaire de compensation est élevé.
Le type de surface d’appui
Monter sur un terrain stable est plus facile que sur un sol irrégulier (sable profond, terrain accidenté). Plus la surface est instable, plus le cavalier doit ajuster constamment son équilibre.
L’appui du cavalier
Le cavalier repose sur trois points d’appui : les ischions (arrière), le pubis (avant) et les cuisses/genoux (côtés). La pression est maximale sous les ischions et plus faible sous les cuisses.
Le rôle du bassin, point anatomique le plus mobile dans le fonctionnement du cavalier, est important : il permet d’optimiser l’assiette, en équilibrant la rétroversion et l’antéversion du bassin, dans l’objectif de créer un équilibre optimal, limitant les risques de blessures du cavalier au niveau du dos, tout en laissant suffisamment de confort au cheval dans sa locomotion.
L’impact des forces externes et l’ajustement postural
Lorsqu’un cavalier est en selle, il doit continuellement ajuster sa posture pour maintenir son équilibre et éviter de perturber celui du cheval.
Une force externe (écart du cheval, terrain instable) provoque un pivotement du cavalier autour d’un axe. Pour éviter la chute, il peut soit modifier sa surface de sustentation (ajustement des jambes, inclinaison du buste), soit générer une force opposée via la contraction musculaire. Si la force appliquée est trop forte et que l’effort musculaire est insuffisant, le cavalier perd l’équilibre, ce qui impacte directement la locomotion du cheval.
L’équilibre du cavalier : un enjeu pour le cheval
La présence du cavalier modifie la répartition des charges sur le dos du cheval. Normalement, les antérieurs supportent environ 58 % du poids du cheval et les postérieurs 42 %. Avec un cavalier, la charge sur les antérieurs augmente, ce qui peut entraîner une extension des boulets et une modification de l’engagement des postérieurs.
L’équilibre du cavalier ne concerne pas uniquement son propre confort : il joue un rôle fondamental dans le bien-être, la locomotion et même la santé du cheval. Une mauvaise posture peut en effet créer une pression inégale sur la selle, entraînant des douleurs dorsales aussi bien pour le cheval que pour le cavalier lui-même, modifier l’équilibre naturel du cheval, qui doit alors compenser par des efforts musculaires supplémentaires, ou encore gêner sa locomotion, en affectant les transitions et les changements de direction.
Plusieurs études scientifiques ont mis en lumière les conséquences concrètes de ces déséquilibres, tant sur le plan biomécanique que comportemental.
La posture du cavalier aux différentes allures
Avant de détailler ensemble chaque allure, rappelons-nous que la selle joue un rôle primordial dans la gestion des forces et dans le maintien de la posture du cavalier. Une selle mal ajustée peut entraîner une répartition inégale des forces sur le dos du cheval et perturber l’équilibre du cavalier. Une selle inadaptée peut provoquer des douleurs dorsales pour le cheval, des tensions musculaires, et même des lésions chroniques. Les signes d’une selle mal ajustée comprennent des douleurs thoraco-lombaires, des gonflements sous la selle, des zones sèches entourées de sueur après l’effort, et une usure anormale du poil ou encore une selle qui glisse. D’ailleurs, une selle qui glisse peut-être cause de tendinite chez le cheval, ce n’est donc pas à négliger. Je vous parle de tout cela dans le détail juste ici.
Pour le cavalier, une selle trop large ou trop étroite peut également engendrer des douleurs au dos, aux hanches, des blessures ou une dégradation de la posture. Il est tout aussi important de faire ajuster correctement la selle en fonction du cavalier, qu’en fonction du cheval, pour minimiser les effets des forces verticales et garantir un confort optimal pendant les différentes allures.
Le pas
Le pas est l’allure la plus lente et régulière du cheval, caractérisée par un mouvement à quatre temps, où chaque membre du cheval prend son appui successivement. Bien qu’il soit souvent perçu comme une allure facile, il impose des défis sur le plan de la posture du cavalier, notamment en termes de maintien de la stabilité.
Forces exercées au pas
Les forces verticales exercées sous la selle au pas sont relativement faibles par rapport à celles des autres allures. Selon les recherches de Winkelmayr et al. (2006), cette force moyenne est d’environ 816 N, ce qui est nettement inférieur à celles du trot (1757 N) ou du galop (1840 N). Cependant, la régularité des impacts à chaque foulée nécessite une gestion de la posture du cavalier pour éviter toute rigidité musculaire ou perturbation de l’équilibre du cheval.
Pour vous donner une idée, je sais que les physiciens vont hurler, mais si vous êtes comme moi et que vous n’avez aucune idée de ce que représente un Newton :
- Au pas, une force moyenne de 816 N exercée sur la selle au pas équivaut à environ 83 kg sur le dos du cheval.
- Au trot, la force moyenne exercée sous la selle atteint environ 179 kg, soit l’équivalent du poids combiné de deux adultes moyens ou encore celui d’une moto de route légère. Oui super comparaison, je suis sûre que vous imaginez tous une moto sur le dos de votre cheval.
- Au galop, la force verticale moyenne grimpe à près de 188 kg, comparable au poids d’une machine à laver. Ce poids dynamique, multiplié par la cadence du galop, accentue les contraintes sur le dos du cheval, rendant l’équilibre du cavalier et l’ajustement de la selle encore plus cruciaux.
Bien évidemment, le poids du cavalier va influencer ces chiffres, tout comme la posture du cavalier. Et c’est la transition parfaite pour le paragraphe suivant.
Adaptation posturale du cavalier au pas
Au pas, la position du cavalier doit être stable mais flexible, permettant au cavalier de se synchroniser avec le rythme du cheval. Le bassin doit suivre le mouvement du dos du cheval. Le tronc, quant à lui, doit rester assez souple pour accompagner ce mouvement sans provoquer de tensions inutiles. Cela permet de minimiser l’impact des forces sur le dos du cheval. Une légère rotation du bassin, tout en maintenant le buste droit et aligné, permet au cavalier d’absorber les chocs tout en minimisant la pression sur le dos du cheval. Il est inutile, voire tout à fait contre-productif de se contracter excessivement dans les muscles des jambes ou des bras. En effet, cela pourrait provoquer des tensions parasites affectant la qualité de l’allure.
Le Trot
Le trot est une allure plus rapide et dynamique. Il est caractérisé par deux temps de foulée symétriques, alternant les appuis des bipèdes diagonaux. L’intensité des forces verticales au trot est beaucoup plus élevée que celle du pas. La raison principale est la phase de suspension, où le cheval se soulève du sol avant de retomber.
Forces exercées au trot
Au trot, la force exercée sous la selle augmente considérablement. Winkelmayr et al. (2006) montrent que la force moyenne est de 1757 N, soit plus du double de celle du pas. Cette augmentation est due à la phase de suspension où le cheval et le cavalier sont brièvement en l’air avant de retomber au sol. Cela engendre une pression importante sur la selle et sur le dos du cheval, en particulier lorsque le cavalier se trouve au trot assis. Cette phase de suspension contribue à des forces d’impact importantes qui peuvent être difficiles à absorber si la posture du cavalier n’est pas correctement ajustée.
Adaptation posturale du cavalier
Lors du trot, la posture du cavalier doit s’ajuster de manière plus dynamique. Le rôle principal du cavalier est d’absorber les forces de manière fluide. Les recherches sur la coordination du bassin et du tronc (Byström et al., 2009; Lovett et al., 2004) ont montré que durant la phase d’appui, le bassin du cavalier effectue un mouvement vers l’avant, tandis que son tronc se déplace dans la direction opposée. Cela permet de suivre les déplacements du cheval sans rigidité excessive, et de minimiser l’impact des forces verticales.
Une bonne gestion du bassin, combinée à un contrôle des muscles abdominaux et spinaux, est essentielle pour éviter de se rigidifier. Les cavaliers expérimentés maîtrisent mieux la contraction de ces muscles pour ajuster leur posture et absorber les chocs de manière plus efficace. À l’inverse, les cavaliers débutants ont tendance à se stabiliser en utilisant principalement leurs adducteurs, créant ainsi des tensions inutiles.
Le cavalier doit également ajuster sa position entre le trot assis et le trot enlevé. Le trot enlevé, où le cavalier se lève légèrement de la selle à chaque suspension, permet de réduire l’impact des forces verticales, et est généralement recommandé pour les cavaliers moins expérimentés ou ceux souhaitant réduire les tensions sur le dos du cheval. Au trot assis, une gestion plus précise de l’alignement du tronc et du bassin devient nécessaire pour éviter les effets négatifs des chocs répétitifs.
Le galop
Le galop est une allure rapide et dynamique, à trois temps, qui génère encore plus de forces verticales en raison des suspensions plus marquées et des vitesses plus élevées. Cette allure impose des exigences particulières en termes de posture et d’équilibre.
Forces exercées au galop
La force exercée sous la selle au galop est en moyenne de 1840 N, soit une valeur proche de celle du trot, mais les moments de suspension sont plus importants et plus fréquents. Cela crée une intensité accrue des forces verticales à chaque foulée, ce qui oblige le cavalier à ajuster son équilibre avec encore plus de précision.
Adaptation posturale du cavalier
Le galop requiert une posture particulièrement fluide et réactive. Comme pour le trot, le cavalier doit ajuster son bassin et son tronc pour suivre le mouvement du cheval. Par ailleurs, le rythme plus rapide du galop demande un contrôle plus rapide et plus précis. Le galop en équilibre est souvent utilisé pour minimiser les forces verticales. Le cavalier se lève légèrement de la selle à chaque suspension pour mieux absorber les forces. Il reste ainsi en équilibre avec sa monture tout en limitant l’impact sur le dos du cheval.
Une posture trop rigide ou un excès de mouvement peuvent perturber la locomotion du cheval et nuire à son engagement, en particulier au niveau de son postérieur. En revanche, un cavalier bien équilibré, utilisant une co-contraction des muscles abdominaux et spinaux, peut suivre efficacement le mouvement du cheval et maintenir une connexion fluide avec lui. L’utilisation des muscles abdominaux pour stabiliser le tronc tout en maintenant une certaine légèreté dans les jambes est essentielle pour préserver l’équilibre et éviter les secousses excessives.
La posture du cavalier aux différentes allures : Conclusion
Chaque allure – pas, trot, et galop – impose des défis uniques au cavalier en termes de gestion des forces verticales. Tandis que le pas requiert une posture stable et fluide, le trot exige un ajustement dynamique du bassin et du tronc pour absorber les forces d’impact. Le galop, quant à lui, nécessite coordination et réactivité pour suivre les mouvements rapides du cheval.
Études sur les postures du cavalier et leurs effets sur la locomotion du cheval
L’équitation implique un équilibre subtil entre le cavalier et le cheval. La posture du cavalier, qui varie selon son niveau d’expérience et sa capacité à maintenir son équilibre, a un impact direct sur la performance du cheval et son confort. Plusieurs études ont mis en lumière l’importance de cette posture et les conséquences de son ajustement ou de ses erreurs.
Par exemple, Les erreurs posturales au trot peuvent avoir des conséquences directes sur la locomotion du cheval. Une pression asymétrique sous la selle, causée par une mauvaise posture du cavalier, peut entraîner des douleurs dorsales chez l’animal. De plus, un cavalier trop rigide ou déséquilibré peut gêner la progression naturelle du cheval, perturbant ainsi l’équilibre et la fluidité du mouvement. En particulier, un cavalier qui ne suit pas correctement la cadence du trot risque d’amplifier les à-coups. Cela peut non seulement être inconfortable pour le cheval, mais aussi affecter son engagement postérieur, essentiel au bon fonctionnement de l’allure. Le cavalier doit constamment ajuster sa posture pour suivre la cadence du cheval, en évitant de créer des tensions inutiles dans son propre corps qui perturbent le liant, et se répercutent sur la qualité de locomotion du cheval.
Posture et répartition des pressions
Une étude réalisée par Hélène Casal a examiné les différences de posture entre des cavaliers valides et des cavaliers présentant des troubles moteurs. Cette étude a révélé que les cavaliers valides géraient mieux leur posture, avec une répartition des pressions plus homogène sous la selle. En revanche, les cavaliers en difficulté présentaient des asymétries posturales qui perturbaient la locomotion du cheval. Une répartition inégale des forces exerce une pression inappropriée sur le dos du cheval. De ce fait, cela peut nuire à son confort et à sa performance.
Cette observation est renforcée par l’étude de LeSimple (2011). Elle a montré que des erreurs posturales, comme une position rigide ou penchée en avant, sont directement liées à des tensions dorsales chez le cheval, en particulier dans la région lombaire. De plus, une mauvaise gestion de la hauteur des mains et des rênes trop courtes favorise un creusement excessif du dos du cheval, ce qui génère des douleurs supplémentaires. En somme, des ajustements posturaux incorrects peuvent avoir des conséquences physiques durables, tant pour le cavalier que pour le cheval.