
L’apprentissage du cheval est un domaine d’étude essentiel pour optimiser la relation entre l’animal et l’humain. Comprendre comment ce processus varient en fonction de l’âge, de l’environnement du cheval ainsi que de nos interactions permet d’améliorer la manière dont nous travaillons avec eux. Par exemple, l’environnement dans lequel les chevaux évoluent joue un rôle crucial. : Est-ce qu’un cheval élevé en box ou en pâture apprend différemment ?
Cet article permet non seulement d’éclairer les meilleurs moments et techniques de manipulation pour un apprentissage optimal, mais aussi de comprendre comment l’interaction humaine, combinée à l’environnement du cheval, influence son bien-être et sa capacité à s’adapter. Ensemble, nous examinerons ici les résultats de ces études afin de tirer des conclusions sur la manière d’améliorer les conditions d’apprentissage pour les chevaux.
Voici les paramètres qui peuvent modifier l’apprentissage du cheval que j’aborde avec vous dans cet article :
- L’âge du cheval
- L’environnement du cheval avec le facteur humain
- La race du cheval
- Les émotions de votre cheval
- Le travail et votre matériel
- Les techniques d’apprentissage que vous utilisez
Qu’est-ce que l’apprentissage ?
L’apprentissage est un processus par lequel un individu acquiert de nouvelles connaissances, compétences ou comportements à partir de ses expériences. Chez le cheval comme chez l’humain, il permet d’adapter ses réactions à son environnement.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais vous parler d’un point qui mérite réflexion..
Ma réflexion personnelle
Il y a une phrase que j’entends malheureusement trop souvent, lors de l’apprentissage et qui me fait hérisser les poils : « « Il n’est pas très intelligent mon cheval » ».

On a souvent tendance à confondre intelligence et performance. Pourtant, ce qu’on appelle “intelligence” dépend énormément de l’environnement, du contexte d’apprentissage, et de l’état émotionnel ou physique dans lequel on se trouve.
Ce que vous lui demandez, comment vous lui demandez, et dans quelles conditions vous le faites, influence directement sa capacité à apprendre. Si votre cheval a compris l’action de vos jambes mais que vous insistez en permanence avec vos mains, il ne répondra pas correctement. Ce n’est pas qu’il ne sait pas. C’est que le message n’est pas clair. Et on le croit “bête”, alors qu’il est simplement… perdu.
L’intelligence du cheval ne se mesure pas à sa capacité à réussir un exercice imposé, mais à sa capacité à apprendre dans de bonnes conditions. Un cheval stressé, un cheval qui a mal, un cheval qu’on force dans une discipline qui ne lui convient pas, apprendra moins bien. Ce n’est pas une question de QI, mais de respect de ses besoins et de son état.
J’ai vu des chevaux étiquetés comme “stupides” ou “incompréhensibles” simplement parce qu’ils étaient en douleur. Une fois la douleur traitée, ils “retrouvaient” leur intelligence. Ce n’est pas qu’ils étaient devenus soudainement plus intelligents. C’est juste qu’ils avaient, enfin, les conditions pour apprendre.
Alors avant de conclure que votre cheval n’est pas “futé”, demandez-vous : dans quel état physique, émotionnel et relationnel est-il en ce moment ? A-t-il vraiment toutes les chances de comprendre ce que je lui demande ? Parce que l’intelligence, ce n’est pas inné et figé. C’est une construction. Et elle commence toujours par un environnement adapté.
L’interaction et l’apprentissage en fonction de l’âge du cheval
Une étude de 2017 mené par Górecka-Bruzda et ses collègues, a cherché à comprendre comment la manipulation du poulain affectait ses réactions envers l’humain ainsi que son apprentissage.
Pour cela, les chercheurs ont pris 50 poulains lusitaniens, divisés en 5 groupes :
- Groupe 1 : technique de L’ « IMPRINT » : le poulain est manipulé dans les 3 premières heures après sa naissance (3 sessions sur 3 jours de 40, 20 et 20 min respectivement)
- Groupe 2 : manipulation au sevrage (3 sessions sur 3 jours de 40, 20 et 20 min respectivement)
- Groupe 3 : manipulation à 50 jours naissance (3 sessions sur 3 jours de 40, 20 et 20 min respectivement)
- Groupe 4 : pas de manipulation mais a subi les tests
- Groupe 5 : pas de manipulation du tout.
Excepté pour le groupe 5, tous les groupe ont subi un test 2 mois après le sevrage (environ à 9 mois de vie). Ils étaient emmenés dans un rond et les chercheurs observaient le comportement des poulains dans ces conditions :
- Avec un humain immobile
- Avec un humain en motion
- L’humain qui présente le licol
- L’humain qui essaye de mettre le licol
Puis 7 jours après ce premier test, les chercheurs ont réalisé 4 séances de tests sur 4 jours ou les chevaux apprenaient à marcher en main en licol. La séance se terminait par un peu de trot. Enfin, un mois après la deuxième phase de test, le test final a eu lieu. Les poulains devaient marcher en main dans l’élevage puis devaient réaliser un test d’apprentissage. Le groupe 5 était inclus uniquement dans ce test final.
Ce qu’ils ont trouvé
- Manipuler un poulain à la naissance permet de réduire les réactions de peur envers l’humain
- Manipuler un poulain avant ses un an, permet d’améliorer sa relation avec l’homme
- Manipuler un cheval au sevrage (sans manipulation à la naissance) permet d’améliorer l’apprentissage du poulain
- D’après cette étude, le jour après le sevrage, serait le meilleur pour manipuler un poulain. En effet, c’est le groupe qui a montré le moins de stress envers l’homme ainsi que le plus de réussite lors des tests d’apprentissage.
Conclusion
Manipuler un poulain à la naissance permet de réduire la peur envers l’humain, mais impacte négativement l’apprentissage. Bien évidemment, il se peut que le temps de manipulation de 40 min pour la première séance soit trop long. D’autres études semblent nécessaires pour confirmer cela. Toutefois, nous devons garder en tête qu’il serait peut être bénéfique d’attendre un peu avant de le manipuler.
L’interaction cheval/humain en fonction de l’environnent du cheval
L’environnement constitue un autre facteur influençant l’apprentissage des chevaux. Les chevaux vivant en groupe sont souvent perçus comme étant dans de meilleures conditions de bien-être car l’interaction sociale est primordiale pour eux . Toutefois, les résultats des études sur l’apprentissage semblent diverger. Rivera et ses collègues ont trouvé que des purs sangs arabes de 2ans élevés en pâturage avec d’autres chevaux apprennent plus rapidement, présentent moins de comportements indésirables et nécessitent moins de temps pour se désensibiliser aux nouveaux objets que des chevaux en box.
À l’inverse, en 2003, Søndergaard et Halekoh ont mené une étude pour comparer l’interaction et l’apprentissage de chevaux en box ou en pâture. Pour cela ils ont divisé 40 entiers de 2 ans environ en 4 groupes :
- Groupe 1 : en box avec contact humain de 10 min 3 fois par semaine
- Groupe 2 : en box sans contact humain
- Groupe 3 : au pré en groupe avec contact humain de 10 min 3 fois par semaine
- Groupe 4 : au pré en groupe sans contact humain
Les chevaux sont restés dans ces conditions pendant toute la durée de l’étude soit de leur sevrage jusqu’à leur 24 mois. Pendant la durée de l’étude, ils étaient soumis à des tests ou leur comportement était observé. Ces tests ont eu lieu à 6,9,12,18, 21, 24 mois des poulains.
Voici les trouvailles des chercheurs
Les chevaux logés dans des box individuels qu’ils soient manipulés ou non :
- approchent plus rapidement les humains
- sont plus facilement approchés par les humains
- manifestent plus de comportements exploratoires
- moins de vocalisations et de comportements agités
- Les chevaux au box et manipulés avait un rythme cardiaque plus bas lors des tests (signe qu’ils étaient moins stressé que ceux non manipulés)
Les chevaux au pré en groupe et manipulés :
- Approchent plus rapidement les humains que ceux non manipulés, mais ils sont quand même plus longs dans l’approche que les chevaux en box
- sont plus facilement approchés par les humains que ceux non manipulés, mais ils sont quand même plus longs dans l’approche que les chevaux en box
Le fait de manipuler les chevaux au pré ou en box a permis de les avoir plus calmes dans un nouvel environnement.
Ma réflexion

Un cheval est fait pour être dehors, en groupe et marcher. En revanche, quand on définit cela, on a tendance à oublier que nous leur demandons de faire des choses qu’ils ne sont pas censés faire naturellement. Le fait qu’un cheval soit en box, l’habitue à voir des humains tous les jours, et cela peut grandement réduire son stress lors de la mise au travail. D’ailleurs, peut être que la solution pour réduire le stress et améliorer l’apprentissage du cheval, lors de la mise au travail, serait d’avoir un cheval en box, tout en lui autorisant des contacts sociaux tous les jours. C’est ce qu’ont voulu découvrir Flammand et ses collègues.
Contacts sociaux et apprentissage du cheval
Voici comment s’est déroulée leur étude :
Ils ont pris 12 chevaux âgés de 24-36 mois, vivant en boxes individuels. 6 d’entre eux étaient lâchés avec un copain pendant 2 heures tous les jours. Les 12 chevaux ont subi la même routine de débourrage.
Les chercheurs ont étudié les paramètres suivants :
- Tensions générales
- Comportements conflictuels
- Coopération avec l’humain
- Position des oreilles
- Activité au box